samedi 20 avril 2013

« Tromperie oui, mais aggravée ça veut dire quoi ? »

20 avril 2013. Pour Jean-Claude Mas, cuistot des implants PIP, son gel low-cost n’était certes « pas réglementaire » mais « pas plus dangereux qu’un autre »

Son gel, c’était son bébé et Jean-Claude Mas, trois ans après l’explosion du scandale mondial qui a soufflé son usine à implants mammaires n’en démord pas : « Pendant 30 ans, on a utilisé le même gel. Il n’est pas plus dangereux qu’un autre. Il y a des tas, des tas de test de bio-compatibilité qui ont été effectué. Tous les gels sont irritants mais pas toxiques. Je n’ai jamais changé les ingrédients. » Ses remords sont pour son usine, pas sur les victimes pour lesquelles il n’aura pas un mot : « C’était la plus belle fabrique de prothèses mammaires, tout était nickel pour aller sur le marché américain quand je l’ouvre 2 janvier 1992 ! »

« J’ai été fabriqué. Je suis le grand Satan ! »
Même son gel à base d’huile industrielle à usage non médicale, et bien rien à redire, une super invention ! Que la présidente Vieilard et les parties civiles lui assènent qu’il n’a aucun diplôme de chimie ou de biologie et qu’il n’aurait jamais du cesser de vendre du vin et du saucisson sur les marchés plutôt que de se lancer dans les faux seins, il reste de marbre : « Je suis celui qui le connais le mieux ce gel de manière empirique. Le gel PIP n’était pas homologué mais il était homologuable. » A 72 ans, Jean-Claude Mas est droit dans ses bottes, le verbe haut, le ton sûr, le phrasé catégorique. « Il y a eu de la délation de je ne sais pas qui. Je n’ai aucune haine. La haine c’est un luxe que je ne peux pas me payer. » Il n’est pas celui que décrivent ces victimes. « J’ai été fabriqué. Je suis le grand Satan. » Quand la présidente, Claude Vieillard lui demande s’il reconnaît les faits, il a cette réplique magistrale. « Tromperie oui, mais le mot aggravé ça veut dire quoi ? »
La présidente : « Cela veut dire que l’aggravation résulte de ce que les faits ont eu pour conséquence de rendre l’utilisation dangereuse pour la santé des personnes en raison du risque de rupture d’implant. » Idem pour l’escroquerie sur Tüv l’organisme certificateur : « Ce sont des nuances juridiques que j’ai essayé de me faire expliquer... »
Son ex-bras droit, le financier Claude Couty, n°2 de PIP, fait aussi dans la dentelle de Calais : « J’ai permis la vente de lots non homologués mais je n’ai jamais eu conscience du danger. La dangerosité était exclue de mon esprit. Je n’ai pas eu conscience de l’importance de ce problème réglementaire.» De toute façon, Mass n’en faisait qu’à sa tête : « Il pense avoir la science infuse. Il n’accepte pas le conseil des autres. » Le procureur Dallest bondit : « Vous ne vendiez pas des savons mais des implants mammaires. Quand en 2008, vous avez connaissance d’une flambée de ruptures de ces produits vous ne vous posez pas de question sur la dangerosité du gel ? Cette non-homologation, c’est quand même la bombe à retardement dans cette entreprise ! »
Scène de repentances larmoyantes pour Hannelore Font, directrice qualité chez PIP : « Je tiens à m’excuser auprès des patientes qui ont eu à souffrir de n’avoir pas été à la hauteur. » Pour autant « le gel ne pose pas de problèmes pour la santé ». Tout pareil pour Loïc Gossart, ex-directeur de la production : « Je ne me considère pas pénalement responsable. On était 120 madame. C’était un système complet de fonctionnement de la société. Vous ne pouvez pas changer tout seul un processus qu’on vous inculque depuis des années.»
« Entre 450 et 500.000 implants frauduleux ont été vendus depuis 2001 quand j’arrive en 2006. Des gens avant moi étaient des spectateurs avisés de cette fraude. Ils n’ont même pas été entendus. Je n’avais que des pouvoirs opérationnels et pas décisionnels dans cette société », s’exonère Thierry Brinon le directeur de la production. « Hasard de la vie », il a appris avec l’affaire que sa mère atteinte d’un cancer portait un implant PIP frauduleux ! « J’ai pas démissionné car je me suis dit c’est bien de rester pour comprendre au cas où » Sa mère, elle, ne s’est pas constituée partie civile.
David COQUILLE


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