mardi 23 avril 2013

« Je ne le faisais pas de gaieté de coeur »

Des salariés qui savaient et une agence de surveillance restée sourde aux signaux d’alerte.
Des salariés qui savaient mais ont laissé faire, une agence de surveillance qui a compris mais trop tard. Au procès PIP, la vérité brille de toutes ces facettes. L’ex-directeur de l’évaluation de plusieurs dizaines de milliers de dispositifs médicaux de l’Agence nationale de surveillance du médicament, ex-Afssaps, est venu dire hier au 5ème jour du procès à Marseille que « la responsabilité de la surveillance du fabricant de prothèses » incombait au « premier niveau » à l’organisme certificateur, Tüv Friedland, bornant le rôle de l’ANSM « en second niveau » à de la collecte de données d’alertes de pharmaco-vigilance.
    « Ce système réglementaire a des limites », a bien été obligé de reconnaître Jean-Claude Ghislain  qui reçoit 12.000 signalements chaque année. Ainsi les rapports d’audit de Tüv, le certificateur allemand des implants PIP ne lui étaient communiqués. « Cela reste un problème général d’opacité du système. On peut en tant que de besoin réaliser des contrôles de second niveau qui viennent après ceux des organismes certificateurs. » De pointer aussi la carence des chirurgiens qui respectent peu l’obligation de déclarer les incidents. Depuis l’ANSM développe des outils d’analyse pour détecter les signaux d’alerte perdus dans le bruit de fond. « C’est typiquement la problématique sur les implants avec des incidents à bas bruit et à fréquence faible. Nous avions eu 8 signalements de chirurgiens en 2007 puis 34 en 2008. Cela a attiré notre attention. » A l’été 2009, on sait qu’il se passe quelque chose sans toutefois identifier l’origine des ruptures précoces d’implants. Les responsables de la société PIP répondaient que leur process de fabrication n’avait pas changé. Une fois le retrait des prothèses du marché le 30 mars 2010, l’Afssaps reçoit 4.000 déclarations rétrospectives d’explantations pour des ruptures d’implants ! « C’est dramatique pour nous de constater que si nous avions eu en temps et en heure ces signalements des chirurgiens, nous aurions pu aller plus rapidement à la conclusion », remarque M. Ghislain. Sur la dangerosité des prothèses  au gel PIP dont 20% connaissent des anomalies avant la 6ème année, « Clairement ces implants occasionnent un danger du fait des ré-interventions mais à ce jour, les données ne permettent pas d’objectiver un surrisque de cancer. »
    Une agence parisienne aveugle, des salariés muets à la Seyne -sur-Mer. « Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas eu l’idée de dénoncer les choses. Je n’avais aucune raison de douter de la dangerosité. Le gel n’était pas déclaré mais cela ne voulait pas dire qu’il ne répondait pas aux normes. Je regrette de ne pas m’être posée de questions plus tôt », a dit Malika, l’ingénieure qui tentait d’améliorer la formule du gel  de Jean-Claude Mas. Hervé l’informaticien était chargé d’effacer avant chaque audit les traces des « fournisseurs indésirables ». Il baisse les yeux : « Je ne faisais pas la bascule de gaieté de coeur. La dénonciation, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire. C’est vrai qu’on peut toujours être rebelle mais moi je n’ai pas refusé. » « Après chaque audit du Tüv, les services fêtaient ça en faisant un pot et ça repartait comme avant » se souvient  Valérie en charge de l’hygiène à PIP.
David COQUILLE

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