vendredi 17 mai 2013

« Des ruptures, mais c’est la vie de l’implant »

Le procès PIP a pris fin, laissant Jean-Claude Mas, campé sur la certitude que sa tromperie était sans danger.

18 mai 2013. Le « procès masse de monsieur Mas » s’est achevé hier, suivant la formule de son avocat Me Yves Haddad. Après un mois de débats échevelés, de réquisitoire et de plaidoiries endiablées, le tribunal exceptionnellement délocalisé au palais des expositions du parc Chanot, a mis son jugement en délibéré. Il  sera rendu au tribunal de commerce de Marseille le 10 décembre prochain. Entre temps, le tribunal de commerce de Toulon aura statué, le 7 octobre, sur l’action civile de distributeurs et porteuses d’implants qui réclament 50 millions d’euros au certificateur allemand Tüv, accusé de négligences et qui se dit victimes des manoeuvres frauduleuses de la société PIP.
    Essuyant à l’ouverture du procès le 14 avril dernier les huées de porteuses d’implants remplis de son gel non conforme, celui qui s’était lui même dénommé comme le « grand satan », a pris la parole en dernier, à la différence de ses quatre coprévenus qui ont judicieusement compris qu’il valait mieux se taire. Jean-Claude Mas, lui, ne pouvait repartir sans un dernier pied de nez à la salle, au média et à « ces dames, les patientes, les victimes » qu’il a voulu rassurer et d’étrange manière :  « Le gel PIP, il est pas irritant mais pas du tout, il n’est pas toxique, il n’est pas dangereux », a redit l’homme contre qui 4 ans de prison ferme ont été requis pour tromperie aggravée et escroquerie.
    Au centre de ce scandale planétaire sur 72 pays dont 30.000 françaises et pour lequel 7.545 femmes se sont constituées parties civiles à Marseille, le septuagénaire inoxydable a émis un reproche et un seul envers ses anciens directeurs jugés avec lui. Et cela en disait long sur l’inaltérable conviction que son gel est le meilleur : « J’ai un petit reproche à leur faire : j’ai l’impression qu’ils ont douté en 2009. »  Cette année-là, la recrudescence de prothèses rompues allait conduire au contrôle fatidique et trop tardif de l’Afssaps en mars 2010 et la décision de retrait des prothèses du marché.

«
Mesdames l'anxiété, c’est psychosomatique ! »
    « Il y avait certes des incidents, c’est la vie de l’implant qui est comme ça », a dit Jean-Claude Mas qui avoue la tromperie mais ne cède rien sur le caractère dangereux qu’il dénie. Différentes études semblent lui donner raison. « Tous les tests de biocompatibilité avaient été faits en amont par PIP », ont assuré hier en choeur le patron déchu avec son avocat. C’est pas la faute à son gel « le syndrome d’anxiété qui est devenu du stress, de l’angoisse, de la panique », c’est « psychosomatique » ! « C’est pas un mauvais mot mais c’est incontrôlable», s’empresse d’ajouter le plus sérieusement du monde Jean-Claude Mas, empirique et toujours pas scientifique : « Après un coup du lapin, je prenais du Lexomil, je me levais la nuit, j’avais le syndrome de l’infarct. C’est une maladie sournoise, c’est une horreur ! »
    Son avocat avait concentré son tir sur le ministère public, le taxant de « parquet insuffisamment préparé », contre pied à la formule maladroite car ironique du procureur Jacques Dallest qui avait dit de PIP que c’était la « perspective d’irritation programmée ». « Mas, c’est peut être un charlatan c’est une certitude, mais ses prothèses n’ont tué personne dans le monde », a dit Me Haddad préférant voir dans ce scandale « la faillite d’un système, de l’Afssaps qui a si honte qu’elle a changé son nom, cette agence de sécurité qui ne sécurise rien, ce Tüv qui ne certifie rien. »
David COQUILLE

Une fraude qui n’a laissé personne inactif

Le «ah-j’aurais voulu vous y voir» des cadres de la société replace Jean-Claude Mas au centre de l’accusation

17 mai 2013. Relaxe. Le mot est inaudible des porteuses de prothèses PIP pour lesquelles il signifie déni de souffrances. Loïc Gossart le directeur de la fabrication - après Thierry Brinon son homologue de la recherche & développement la veille - l’a demandée par la voix de Me Roland Rodriguez. Et une « relaxe pleine et entière ». Non que moralement il ne se sente pas responsable, il dit même être « rongé de honte » mais « compte tenu des actions qu’il a menées dans la société, du désaccord qu’il a nettement fait connaître », cet « exécutant » qui « a agi sur ordre » ne doit pas être condamné et sûrement pas à 3 ans de prison dont moitié ferme requis.
    A entendre son avocat, Loïc Gossart « s’est battu » et est de « ceux qui ont agi pour mettre fin à un système. Si se battre doit être considéré comme avoir adhéré sciemment à la fraude, je dis qu’il y en a plein d’autres comme lui qui ne sont pas là ». N’a t-on pas compris que « ce gel, c’est la figure imposée » par Jean-Claude Mas depuis 2001 à ses 120 salariés ?
    « La seule faute que Claude Couty a toujours reconnue, la seule, la vraie, c’est celle d’avoir laissé imposer le marquage CE sur les prothèses », a très clairement admis Me Christophe Mamelli pour le directeur général de la société PIP, celui qui a « mis en place les outils pour briser le système Mas » après avoir appris en novembre 2005 la non conformité du second gel révélé aux autorités en mars 2010. Oui « Claude Couty sait que la société est en infraction » mais « en capitaine de navire », il exclut de démissionner et ne donne pas « l’ordre de stopper immédiatement la fabrication au gel PIP, quitte à mettre au chômage 120 personnes. Pour cela il est coupable. » Reste que « Claude Couty n’a pas été l’acteur ou le complice passif et sans âme d’un scandale sanitaire. Il a agi en conscience avec les éléments dont il disposait. »
    Le combat de Me Christophe Bass pour ce même prévenu menacé de 4 ans de prison dont 2 ferme, ce n’est pas de convaincre ceux qui « n’ont rien voulu comprendre » mais à tout le moins d’ « empêcher que la justice ne soit guidée que par les sirènes de la douleur et de la vindicte des parties civiles ». « La tromperie n’est pas aggravée ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas grave », nuance l’avocat qui lave du pêché originel tous les  lots traçables de prothèses produites à compter de janvier 2006 avec du bon gel homologué, ce qui libère « 7684 femmes » de tout préjudice d’anxiété. Et Couty aussi d’un poids indemnitaire équivalent.

« Vous chasserez l’opinion publique qui a déjà jugé »

    De répéter que l’usage du gel non conforme n’a pas eu « pour conséquence de rendre l’utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé ». D’asséner une vérité hospitalière à moitié tue : « Le risque (de rupture) est inhérent à tout dispositif médical implantable au gel de silicone. » La prothèse mammaire, « c’est de toute façon un produit dangereux. » Son élève avocat François Mazon  (ex-grand dirigeant d’entreprises) relayait son credo dans une première et puissante plaidoirie : « Toutes les prothèses au silicone sont dangereuses car toutes sont susceptibles d’être explantées, de rompre, de transsuder. Ce n’est pas une agence nationale qui le dit, c’est le corps qui crée une coque pour s’en protéger, et ce quelle que soit la marque des prothèses. » L’innocuité du gel est une « certitude » et « s’il demeurait des doutes, ils doivent profiter à Claude Couty. Le doute est un moteur pour les scientifiques. Dans le monde du droit, c’est une garantie pour celui qui est accusé.» De bouter les donneurs de leçons. « Ah comme je les envie ceux qui savaient ce qu’ils auraient fait à sa place, ces généraux par temps de paix, ces supporters de la victoire ! » D’expulser de la pensée des juges « l’opinion publique qui a déjà jugé » avec les mots de Me Moro-Giaferri en 1913 : « L’opinion publique, cette prostituée, qui tire le juge par la manche, vous la chasserez et vous ne retiendrez pas la circonstance aggravante ! »
David COQUILLE

mardi 14 mai 2013

« Les bénéfices pour la société, les risques pour le patient »

4 ans de prison ferme requis contre Jean-Claude Mas, « apprenti sorcier des prothèses » et « pierre angulaire d’une fraude massive »

A l’issue de quatre heures de réquisitoire à deux tons, des peines dosées de prison ferme ont été requises à l’encontre des cinq dirigeants de la société Poly Implant Prothèses. « Il faut que vous réfléchissiez dans une cellule à cette triste odyssée commerciale », a lancé le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest en demandant 4 ans de prison ferme et 100.000 euros d’amende pour Jean-Claude Mas, 72 ans, « l’instigateur parfait » de cette vaste tromperie aggravée doublée d’escroquerie qui a prospéré entre 2001 et mars 2010 à travers 71 pays et pour laquelle 7.445 porteuses d’implants PIP se sont constituées parties civiles.
    De décrire le septuagénaire comme « le formulateur fou, le créateur d’un produit inacceptable, l’apprenti sorcier des prothèses, l’alchimiste sourd aux conséquences, cynique vis à vis des porteuses. » Celui qui « dosait à la louche » son gel empirique fait d’huile industrielle pour sortir 130.000 prothèses par an de son usine, n’était même pas un scientifique : « Comme ceux qui cherchent l’oeuvre parfaite, la pierre philosophale, lui il attend toute sa vie le gel parfait. »

« Un monstre silencieux qui a dévoré tant de femmes »

    4 ans dont 2 avec sursis et 50.000 euros d’amende sont requis à l’encontre du président du directoire, Claude Couty, « financier faible et complaisant, exécuteur des basses oeuvres sans lequel cette machinerie n’aurait pu se terminer dans le désastre. » Pour ce duo, la même interdiction définitive d’exercer dans le secteur sanitaire et médical et celle de gérer à tout jamais une entreprise.
    Ce « scandale planétaire » sur des implants au « potentiel de danger majeur », le vice-procureur Ludovic Leclerc le résumait avec brio : « On a là un système de fraude massif au préjudice de milliers de femmes, une tromperie comme on en a rarement vu, tout ça pour permettre à une société de vivre, à des salariés de toucher leur paye, à un retraité de toucher ses jetons de présence.» D’une formule, il résume l’équation frauduleuse : « Les bénéfices c’est pour la société, les risques, c’est pour les patients. Voilà comment fonctionnait PIP. » Au final, « l’histoire du gel de M. Mas, c’est celle d’un monstre silencieux qui a dévoré l’intérieur de tant de femmes dans le monde. C’est l’histoire d’un homme qui s’est tellement identifié à son gel que reconnaître que son gel est moins que rien serait une forme d’auto-destruction.»
    Ce scandale ne lasse pas d’interroger : « Comment une société aussi régulée a laissé grandir ce type de fraude ? Comment des prévenus qui ont un parcours de vie banal, qui n’avaient pas vocation à s’inscrire dans la délinquance, par des renoncements, des arrangements avec leur conscience ont accepté l’inacceptable ? » Au premier rang des complices, Hannelore Font : 3 ans dont 1 avec sursis visent la singulière directrice de la qualité qui « incarne à ce point la fraude », celle qui a « allumé la mèche lente qui allait exploser chez les porteuses. » 3 ans dont 18 mois avec sursis sont demandés contre Loïc Gossart, « le fabricant aux regrets tardifs. » « Mais enfin, il y a des femmes au bout de a chaîne de production ! » lui assène le procureur. 2 ans dont 18 mois avec sursis sont requis contre le directeur de la recherche de la société de la Seyne -sur-Mer, Thierry Brinon, un « technicien aveugle et muet » qui s’est « voilé la face en se tenant à distance de la salle blanche où l’on fabriquait ce mélange infernal ». Le trio se voit aussi réclamer l’interdiction définitive d’exercer dans ce secteur.
    Le parquet a demandé au tribunal de rejeter la constitution de partie civile de l’ex-Afssaps, victime à ses yeux d’un simple préjudice d’image. Le procès débuté le 17 avril se poursuit avec les plaidoiries de la défense jusqu’à vendredi. « Votre décision est attendue. Elle fera date » a souligné le parquet.
David COQUILLE

lundi 13 mai 2013

Un médecin régulateur du SAMU jugé pour homicide involontaire

Sabrina, 25 ans, est décédée d’un syndrome rare. La faute au Centre 15 d’avoir mésestimé l’urgence vitale ?  

Une régulatrice du centre de régulation du premier SAMU de France a comparu hier, 13 mai 2013, pour homicide involontaire, accusée d’avoir pris des décisions inadaptées face à une situation de détresse vitale. « Si je n’avais pas appelé le SAMU, ma fille serait vivante ! Elle a même pas voulu m’envoyer les pompiers ! Je m’en veux à cause d’elle ! », s’est écriée la maman en larmes.
    13 février 2009. Après des vomissements et des diarrhées, Sabrina, 25 ans, s’évanouit. Sa mère, infirmière, fait le «15» et décrit à 22h34 l’état de sa fille inconsciente, les yeux révulsés et qui respire à peine. L’appel enregistré est transféré par le permanencier au médecin régulateur avec la mention "malaise avec perte de connaissance". « Pour moi, c’était un cortège de symptômes qui accompagne une gastro-entérite. Il y a avait une épidémie », soutient Michaële A., 39 ans qui justifie n’avoir dépêché qu’un médecin de garde. L’autopsie révélera un syndrome cardiaque de Wolf Parkinson White nécessitant un «SMUR Flash», soit le démarrage immédiat d’une ambulance respiratoire. « J’avoue ne pas avoir entendu qu’elle était inconsciente. C’est pour ça que je ne l’ai pas classée en R1 », vacille la régulatrice qui se ressaisit : « Aujourd’hui, j’aurais quand même demandé à un médecin de la voir. »

« Vous prenez un Lexomil et vous vous calmez ! »
    A 22h56, toujours personne, la  mère rappelle : « Elle respire plus. On dirait qu’elle a des râles, vite, s’il vous plait. Vite, son état s’est aggravé, je ne sens pas son pouls. » Réponse sans gants de la régulatrice : « Si elle a plus de pouls et qu’elle respire plus, c’est qu’elle est morte. On se calme, on se calme, on se détend. Faites lui mal pour voir si elle réagit. » Et avant de raccrocher : « La télé-transportation, ça n’existe pas encore. On passe pas encore par le fil du téléphone ! Vous l’allongez et vous lui remontez les jambes. Vous prenez un Lexomil et vous vous calmez ! » La présidente, Julie Heisserer s’étonne : « On n’a pas une famille agressive. Au contraire ils sont très polis, s’excusent de déranger. Vous demandez qu’on pince la patiente et vous ne vous intéressez pas à la réponse. » Mais la toubib n’en démord pas : « On n’a que 6 ambulances respiratoires. Quand la situation est inévaluable, on n’envoie qu’un VSAB. Je reconnais avoir été un peu brusque mais cela n’aurait  malheureusement rien changé. » Plus tard elle fend un peu l’armure : « Je ne suis plus urgentiste. On se remet en question, ce n’est pas évident. J’ai eu un problème cérébral. C’est un désastre. On a tous souffert. »
    Les marins-pompiers mettront 6 minutes pour arriver à 23h15 dans le 13ème : « On tient un pouls. Y a 2 minutes on avait que dalle. Il faut une ambulance respiratoire », réclame le sauveteur par radio. Le  SAMU se perd et arrive à 23h33. Le parquet a réclamé de 4 à 6 mois avec sursis, s’appuyant sur l’avis d’experts pour qui « l’urgence vitale est déjà nettement caractérisée » et l’attitude devant une « situation de haute gravité » n’a pas été conforme au principe de précaution justifiant le démarrage d’une unité de réanimation. « 1800 appels par jour, c’est 2mn par personne ! Quelle responsabilité d’avoir en main et sur la conscience la vie des autres ! Le Samu, c’est pas une science exacte. Elle n’a jamais manqué à ses diligences ! », ont plaidé en relaxe Me Stéphanie Le Devendec et Me Fabrice Giletta.
Délibéré le 3 juillet.
David COQUILLE

Les juges sauvent les « Voix du Gaou »

La cour valide le seuil de survie de 100 décibels pour le festival de Six-Fours

11 mai 2013. La justice vient d’enjoindre la commune de Six-Fours-Les-Plages de se mettre en conformité avec les normes acoustiques pour le prochain festival « Les Voix du Gaou » du 16 au 26 juillet qui se tient sur l'île. La cour administrative d’appel de Marseille ordonne par ailleurs au maire de « prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les nuisances sonores (…) dans les délais les plus brefs, et au plus tard avant l'édition de l'année 2014. » Cette décision rendue le 2 mai n’engage pas la survie de ce grand festival qui attire plus de 40.000 personnes chaque année.
Les juges d’appel reconnaissent en effet au maire un « pouvoir de réglementation autonome » en fixant la valeur maximum de diffusion sonore à 100 dBA dans la zone destinée au public du festival. » La demande d’abaisser à 90 dBA aurait été une condamnation à mort du festival en raison de l’impossibilité technique de parvenir à ce seuil.
La cour a donc suivi l’avis du rapporteur public exprimé lors des débats publics le 11 avril 2013. Le rapporteur, M. Salvage, avait considéré qu’une mesure d’interdiction totale serait « disproportionnée » eu égard à une manifestation culturelle qui « répond à l’intérêt général ». La cour prend d’ailleurs soin de préciser que « l'exécution du présent arrêt ne saurait impliquer nécessairement la suppression du festival "Les voix du Gaou", ni son déplacement sur un autre site, ni de mesures particulières en matière de circulation sur la corniche. » 
Le festival est aujourd’hui exploité en délégation de service public et ses organisateurs ont pris des mesures propres à diminuer les nuisances sonores : adoption d’un nouveau système de diffusion des fréquences graves, nombre d’enceintes porté de 18 à 9, axe de diffusion acoustique réorienté de 90 degrés vers la mer, annulation des concerts en cas de vents trop forts, etc.
La commune devra dédommager le riverain pour le préjudice subi entre 2006 et 2012 à hauteur de 15.000 euros. Il prétendait à 25.000 euros. Les juges ont considéré qu’« en ne prenant pas les mesures nécessaires pour faire cesser les nuisances sonores » alors que le préfet l’avait informé d’une pétition de riverains en août 2005, la commune a commis une « faute de nature à engager sa responsabilité » d’autant que le préfet l’avait averti « qu'en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice de ses pouvoirs de police, la responsabilité de la commune pouvait être engagée. »
David COQUILLE

Tüv : « Nous n’avions aucune chance de découvrir la fraude »

Le certificateur allemand des prothèses mammaires PIP viciées se défausse avec l’ex-AFSSAPS sur les lacunes de la directive européenne.


8 mai 2013. Vraies victimes de la fraude aux implants mammaires PIP ou posture stratégique pour échapper aux conséquences financières de négligences réelles ou supposées ? Leurs constitutions de partie civile ont paru si contestées par les milliers de femmes porteuses d’implants viciés que l’Agence nationale pour la sécurité du médicament (ANSM) et Tüv Rheinland, le certificateur allemand des prothèses PIP, ont du longuement justifier hier leur présence sur le banc des victimes.
    Dans une plaidoirie habile et bien servie, Me Olivier Gutkès a défendu bec et ongles l’organisme allemand synonyme outre-Rhin de confiance absolue. « Tüv n’a jamais été négligent car il a suivi la réglementation européenne » dont la Commission européenne - souligine-t-il - a reconnu les « lacunes et carences ». A ses yeux, « les audits peuvent être impuissants face à une fraude organisée » car « on n’est pas dans une logique de répression des fraudes. On n’a pas de pouvoir de police. On n’est pas des gendarmes ! » Et si la directive européenne ne prévoit toujours pas de contrôles inopinés mais des audits claironnés à l’avance, « c’est pour faire en sorte que le jour de l’audit les chefs de service soient présents, la documentation technique disponible et la chaîne de production active. »
    Bref, si la fraude au gel non conforme a pu perdurer de 2001 à mars 2010, c’est uniquement selon lui en raison du « degré stupéfiant d’organisation de cette fraude » :  « Nos auditeurs étaient parfaitement spécialisés. Ce n’était pas des auditeurs en grille pain ! Mais ils n’avaient aucune chance de découvrir la fraude. » Les prévenus ne faisaient-ils pas « disparaître toutes les traces matérielles, écrites, informatiques sur toute l’année et pas la veille de l’audit et fait respecter une omerta » ? De pointer Hannelore Font, la directrice qualité qui « incarne le visage de cette escroquerie », Loïc Gossard, le directeur de fabrication qui faisait disparaître le gel non homologué avant chaque audit, Thierry Brinon, le directeur de la RD qui « a remis un dossier de conception qu’il savait être fictif », Claude Couty le DG qui « a une calculette en guise de conscience morale pour équilibrer ses bilans », et bien sûr  Jean-Claude Mas, « parrain dans un système mafieux. » De conclure : « Tüv n’est pas responsable. Tüv est solvable mais n’entend pas être le fonds d’indemnisation des victimes dans ce dossier. »

« Nous intervenons en deuxième rang »

    Stratégie identique de l’ANSM, l’agence française qui dit « comprendre et compatir avec toutes ces femmes » mais borne son rôle : « Nous intervenons en deuxième rang, en surveillant par le biais de la matériau-vigilance », glisse  vite fait Me Nathalie Schmelck qui préfère dénoncer « certains avocats qui ne cherchent ni un responsable ni un coupable mais un solvable. » Si des signalements sont parvenus à l’agence, « pas une seule fois, les lettres PIP n’apparaissent dans les courriels du Dr Marinetti.» Et aucune des photos dans la lettre de dénonciation « ne permettait de dire que les prothèses étaient constituées d’autre chose que du gel Nusil. » L’absence de contrôles inopinés ? « Il est d’usage quand on ne présume pas qu’il y a une fraude de prévenir pour être sûr de rencontrer ses interlocuteurs. » Reste alors « M. Mas, c’est l’instigateur, le dictateur et il l’est tellement qu’il n’a même plus besoin de réitérer ses ordres car depuis dix ans tout le monde sait ce qu’il a à faire. » Réquisitoire le 14 mai.
David COQUILLE

Procès PIP « N’ayez pas peur d’indemniser, le monde entier vous regarde ! »

6.015 femmes demandent réparation et dénient le statut de victime à l’agence nationale de sécurité du médicament et au certificateur allemand.

7 mai 2013. Dans le flot des plaidoiries des 6.015 parties civiles que le tribunal correctionnel de Marseille entend depuis plusieurs jours, il y avait eu, vendredi, la parole délicate et poignante de Me Stéphanie Spiteri qui avait rapporté en termes pudiques et délicats le drame silencieux de sa cliente, une femme seule, apeurée, retranchée dans sa féminité blessée.
    Mais hier, pour frapper les esprits l’avocat mandaté par le cabinet Claude & Sarkozy a donné dans un tout autre genre, choisissant un procédé qu’aucun n’avait osé jusque-là. « Quand on saisit la prothèse, la membrane se déchire spontanément. » D’exhiber aux juges des photos insoutenable d’une explantation chirurgicale de prothèses rompues, le tout projeté suivant sa volonté en simultané sur les écrans géants de la salle d’audience du parc Chanot. « C’est insupportable ! », réagit une victime à la vue d’un bocal transparent. Il contient les restes d’une prothèse rompue que Me Roman Leibovici dépose sur la table des juges avant de diffuser la photo d’une poitrine déformée par une lymphorée... Au douzième jour du procès des implants mammaires PIP, tout paraît bon à certains pour édifier les juges...
    Pour sa cohorte de victimes, Me Claude Lienhard a préféré, lui, le raisonnement juridique afin d’exhorter les juges à accorder « une juste et intégrale indemnisation ». « Vous êtes le droit en action, le seul pouvoir indemnitaire souverain » quand tous les prévenus, organismes et assurances « se défilent de leur responsabilité ». « N’ayez pas peur d’indemniser toutes les victimes de leurs angoisses, de leurs humiliations. Le monde entier vous regarde ! », venait de lancer Me Laurent Gaudon porteur de 2.400 victimes massivement étrangères. S’il stigmatisait très logiquement la position de Jean-Claude Mas, le fondateur de la société PIP  - « Il y a quelque chose d’indécent à dire que son gel n’est pas dangereux » - il concentrait ses attaques sur le certificateur allemand des implants : « Comment les victimes peuvent comprendre que Tüv Rheinland se retrouve sur le même banc qu’elles ? Tüv est resté passif à accorder ses certifications. Tüv n’a pas sa place ici ! »

Six distributeurs mondiaux réclament 26 M d'euros pour atteinte à la réputation

    Les six distributeurs mondiaux (Italie, Roumanie, Bulgarie, Syrie, Brésil et Mexique) qui ont diffusé les prothèses PIP dans 65 pays, n’étaient pas en reste : « Cette affaire leur colle à la peau. Les prévenus les ont trompés sur toute la ligne. C’est un mensonge collectif dans une entreprise du mensonge qui a permis à PIP de remplir ses carnets de commandes à l’export », soulignait Me Olivier Aumaitre pour réclamer 26 millions d’euros de préjudice économique dont l’« atteinte à la réputation ».
    « Je dis que l’Etat ne fait rien ! », pestait Me Mohan Mouhou contre l’ex-Afssaps « venue en sous-marin dans la procédure » alors que « son manquement à l’obligation de veille sanitaire a contribué au dommage. » Il était rejoint par Me Arié Alimi (conseil de 91 victimes) pour qui « le Tüv et l’Afssaps avaient l’obligation de vérifier qu’il n’y avait pas tromperie » or « pendant plus de vingt ans, ils n’ont réalisé aucun contrôle inopiné. » De rappeler qu’en 2000, l’agence américaine FDA était venue sur place à la Seyne-sur-Mer constater la non conformité des prothèses alors remplies au gel physiologique. « Depuis 2006, les incidents ont doublé. Le Dr Marinetti en 2008 signale le caractère totalement exubérant de ces prothèses. Que fera l’Afssaps ? Rien ! »
    « Les prévenus baissent la tête et attendent que l’orage passe. Edwige, elle, a été foudroyée », venait dire Me Isabelle Colombani pour la famille Ligoneche. Cette dame décédée à 53 ans en novembre 2011 d’un lymphome dont l’avocate voudrait qu’il soit établi que le gel PIP en fut la cause. « Je ne connaîtrai pas l’issue de cette procédure. Mes mortelles salutations», avait écrit la victime dans une lettre adressée au procureur de la République et lue à l’audience. 
David COQUILLE

Luc Jorda relaxé pour harcèlement moral

Une capitaine l’accusait depuis onze ans de lui avoir bloqué sa carrière.

7 mai 2013. Le colonel Luc Jorda, patron du SDIS 13 a été relaxé hier matin par la 6eme chambre correctionnelle des poursuites de harcèlement moral. La capitaine Isabelle Bérard, 48 ans, qui l’accusait d’avoir bloqué sa carrière depuis 1999 est déboutée de ses demandes. Le procès s’était tenu le 10 avril à l’issue de 11 années de procédure.
    La plaignante, entrée en  1989 au service des ressources humaines du SDIS 13, dénonçait des brimades, des insultes, des obstacles mis à son avancement professionnel. Elle accusait le patron des 1.100 sapeurs de département de l’avoir isolée dans un Algeco. « Il m’a oubliée pendant 7 ans », avait-elle dit à la barre. Luc Jordan ne communiquait plus avec elle que par post-it. « Elle n’avait pas le niveau », avait répondu Luc Jorda, défendu Me Sartre et Me Tixier. Selon lui, les relations avec son officier s’étaient dégradée dès lors qu’il avait refusait de la nommer commandant. « Vous avez un boulevard pour la relaxe ! », avait prophétisé le procureur pour qui le délit n’était absolument pas caractérisé, faute selon lui d’agissements répétés.
    Le délit de harcèlement moral a été institué par la loi du 17 janvier 2002. L’auteur est passible de 1 an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende. Le code du travail le définit ainsi : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
David COQUILLE

Indemnisé 37 ans après une transfusion

Les transfusions dans un tiers des contaminations avant 1990.

3 mai 2013. 37 années après une transfusion sanguine qui l’a contaminé au virus de l’hépatite C, la cour administrative d’appel de Marseille vient de condamner l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à indemniser un Arlésien.
    L’homme avait été victime le 14 avril 1976 d’un grave accident de la circulation avec une rupture de la rate qui avait nécessité d’importantes transfusions sanguines en 1976 puis en 1981. Le patient avait reçu en tout « 13 produits sanguins dont du plasma sec hautement contaminant, ce qui accroît le risque potentiel de contamination par transfusion », précise l’expert. Ce n’est qu’en septembre 1992 que le patient avait découvert sa contamination au virus de l’hépatite C lors d’un bilan sanguin  après un malaise.

« Le doute profite au demandeur »
    L’indemnisation des contaminations transfusionnelles antérieures à 2002 est régie par une loi de 2002. Elle est possible dès lors que le patient apporte « des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ». Dans l’examen de ces éléments, les juges ont rappelé dans le présent arrêt du 29 avril 2013 que « le doute profite au demandeur ».
    C’est ainsi qu’ils ont considéré que « la matérialité des transfusions subies » par le malade n’était « pas contestée ». Et contrairement au tribunal administratif de Marseille qui avait rejeté sa demande le 22 décembre 2010, la juridiction d’appel a estimé de « vraisemblance suffisante » l’hypothèse que l’opération de transfusion de 1981 soit à l’origine de la contamination de ce patient dont il est précisé par l’expert que « le mode de vie ne présentait pas de facteurs de risque ».
    Les juges ont surtout arrêté leur conviction sur les conclusions écrites en août 1995 par le professeur Pascal du service d’hépato-gastro-entérologie du CHU de Lyon qui affirme que « les transfusions sanguines réalisées avant 1990 étaient responsables d’au moins un tiers des contaminations en France ».

Aujourd’hui, l’EFS garantit la traçabilité

    La cour rappelle que la contamination avait eu lieu « à une date où il n’était pas procédé à une détection systématique du virus de l’hépatite C à l’occasion des dons du sang ». Chose impossible de nos jours : les virus de l’hépatite C, du VIH, de la Syphilis, etc. , sont détectés avant toute transfusion lors d’une batterie de 15 tests effectués dans les 48 heures après le don de sang dans les laboratoires de l’Etablissement français du Sang (ESF). La traçabilité est totale aujourd’hui et l’ESF garantie de pouvoir retrouver les donneurs tout en préservant l’anonymat du don du sang.
    L’EFS n’était en quelque sorte pas partie au procès en appel. Depuis le 1er juin 2010, c’est l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) qui se substitue à lui pour charger « de l’indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l’hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ».
    C’est précisément l’ONIAM que la cour a condamné à verser 15.000 euros pour l’ensemble des préjudices personnels. Le requérant demandait près de 135.000 euros d’indemnisation. Opérateur de chaudière, il est à la retraite depuis 2005 après dix années d’invalidité. Il n’avait plus pu travailler depuis 1992 en raison de l’extrême fatigue provoquée son traitement. Les juges ont constaté que son état ne nécessitait « pas de traitement particulier » et correspondait à une « hépatite chronique sans signe d’activité » stabilisé depuis 2004 ».
David COQUILLE

jeudi 2 mai 2013

« PIP, une petite PME française qui magouille et trifouille »

Pour le syndicat des chirurgiens esthétiques, « ce n’est pas le procès d’une filière » mais la « trahison » d’un fabricant de prothèses mammaires.

3 mai 2013. Les plaidoiries se suivent et se ressemblent au procès PIP entré dans sa 11ème journée d’audience au palais de justice délocalisé au parc Chanot à Marseille. Les implants ne semblent plus faire recette et l’enceinte judiciaire hors normes est quasiment vide depuis l’entrée en scène des avocats des 6.015 victimes constituées partie civile.
    « Vous avez condamné ces femmes à vivre avec de l’huile de moteur dans leur poitrine ! », s’exclame un avocat qui se croit aux assises. « Les prévenus, je les méprise et je les oublie tout de suite pour me consacrer à mes victimes ! », claque sa consoeur venue de Grasse décrire et chiffrer la souffrance de plusieurs clientes. « Vous avez tous fait le choix de tromper ces milliers de femmes. PIP a été une usine à empoisonner ! », s’étrangle d’émotion une jeune avocate qui ne veut rien entendre aux rapports d’expertises anglais et français qui n’ont pas démontré la nocivité des prothèses pré-remplies par la firme varoise d’un gel maison non homologué. « Jean-Claude Mas, c’est le Docteur Maure des prothèses mammaires ! Il savait très bien que son gel contenait des produits dangereux. Il a pesé le risque et sacrifié ses victimes sur l’autel du fric », s’exclame sur grand écran Me Florence Sultan du barreau de Toulon. Elle réclame 15.000 euros de préjudice moral et 6.000 euros pour le préjudice corporel dont on sait déjà qu’il ne pourra être indemnisé à l’issue de ce procès pour « tromperie aggravée et escroquerie » mais plus tard dans le volet « blessures et homicide involontaires ».

« C’est la banalité de l’asservissement à la loi du profit »

    L’imprécation et l’opprobre sont le combustible commun à nombre d’avocats - et ils sont 300 dans ce grand exutoire - qui passent et repassent les prévenus aux lance-flammes. « Toute cette toile de tromperie et de lâcheté qui s’est tissée sur l’appât du gain et sur la crédulité de femmes qui venaient les voir pour se reconstruire ! On ne retrouve ici que quelques trublions rigolards et pathétiques ! Que sont devenus tous les bénéfices ?! On s’en est mis plein les poches ! C’est la banalité du mal, de l’asservissement à la loi du profit et à sa hiérarchie. Et à tous ces beaufs et blogueurs bien pensants qui disent qu’elles l’ont bien cherché, je veux dire que ce sont des femmes qui cherchent une autre dignité dans cette société du regard », s’énerve mais vraiment Me Sabine Vialle pour sa cliente explantée d’une prothèse rompue en 2011 et qui demande 100.000 euros de préjudice d’anxiété.
    Chaque victime a sa propre histoire. Celle de Sylvia, niçoise de 42 ans, rapportée par Me Nathalie Ruiz capte l’attention. Implantée après une grossesse, son chirurgien tarde à diagnostiquer une rupture de la prothèse gauche. Plusieurs interventions plus tard, son buste est difforme et elle a des siliconomes dans le dos. La dépression s’installe devant ce corps qu’elle ne supporte plus. Puis une phobie sociale avec séjours psychiatriques. « Quand une femme a un haut du corps comme cela, elle ne plait à personne », souligne l’avocate, la toute première à demander réparation du préjudice sexuel à hauteur de 12.000 euros, en sus du préjudice moral estimé à 30.000 euros. « Elle s’était adressée en confiance à un professionnel qui lui a vanté les mérites des prothèses PIP. Ce n’était quand même pas à elle de vérifier leur qualité alors qu’on nous parle de normes européennes ! », concluait-elle à raison.
    L’intervention du Syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique venu réclamer l’euro symbolique à chacun des prévenus, n’en était que plus attendue. « 77,9% des personnes interrogées ne font pas confiance en la chirurgie esthétique alors que nous sommes la spécialité la plus sécurisée. Nous sommes pas dans le procès d’une filière mais dans celui d’une entreprise qui a violé les règles », souligne Me Luc Castagnet qui justifie la sous-déclaration par les praticiens des ruptures de prothèses  par le fait qu’il s’agit d’« accident » et non de « dysfonctionnement ». « Les chirurgiens ne touchent rien sur les ventes. La trahison est venue d’une petite PME française qui magouille et trifouille pour des économies de bouts de chandelle ! PIP, tout le monde y a cru ! »
David COQUILLE

« Ce charlatan cupide a lacéré leur féminité »

Procès PIP. Les parties civiles se succèdent pour pointer les absents et dénoncer les carences institutionnelles.

30 avril 2013. « Mais de qui se moque-t’on ! » est l’exclamation la plus servie - et à raison - au procès de la vaste fraude aux implants mammaires PIP, entré depuis hier et pour deux semaines dans la phase des plaidoiries indignées des parties civiles. « Ces actes de tromperie ont été posés avec une indécence rare. Ma cliente a été choquée d’apprendre que les contrôles de l’Afssaps étaient annoncés trois semaines à l’avance. De qui se moque t’on ?! Nous irons chercher la responsabilité de l’Etat pour sa carence ! », prévient Me Valérie Pirello, la première à ouvrir le ballet des plaidoiries avant le réquisitoire du 14 mai.
    Sur les 500.000 porteuses d’implants PIP dans le monde, 6.015 ont déposé une constitution de partie civile auprès du greffe détaché du Parc Chanot où se déroule le procès. Quelques dizaines de victimes ont tenu à être là. Et c’est donc « à corps présent » que des avocats prennent la barre pour raconter leur trauma. La plupart des victimes ont formulé leur demande par courrier.
    « Ma cliente a eu le sentiment d’avoir eu une bombe à retardement dans le corps », explique l’avocate de cette mère de deux enfants, sauvée à 36 ans d’un cancer du sein et qui croyait avoir reçu « la Rolls des prothèses ». Colère, ex-plantation, souffrances, questions sans réponses sont le lot de toutes ces femmes que Jean-Claude Mas a abusé. « Son angoisse profonde pénètre chaque minute de son quotidien. Le préjudice moral est là. Il est réel », analyse Me Valérie Pirello. Une autre avocate - et ils sont plus de 300 dans ce procès - se borne à chiffrer les postes d’indemnisation : « Préjudice d’anxiété : 3.000 euros. Préjudice corporel : 3.000 euros. Préjudice esthétique pour l’oedème des seins : 1.000 euros ».

« Le  million d’euros symbolique pour chaque victime»

    D’autres comme Me Serge Billet venu pour Sandrine C., ruinée à 46 ans, sont pris d’un élan digne de procès d’assises : « Le sentiment unanime qui se dégage est celui d’une dramatique comédie jouée par des acteurs-prévenus qui avec des prothèses procédurales ont cherché à masquer la laideur de leurs actes. C’est le procès d’un charlatan cupide, Jean-Claude Mas qui a lacéré leur féminité, c’est aussi le procès de la lâcheté certaine des salariés. »
    « Tüv et l’Afssaps demandent un euro symbolique. Moi, je demande pour chaque victime 1 million d’euros symbolique de dommages intérêts. S’agissant d’une telle organisation criminelle, ce n’est pas beaucoup ! », s’élance Me Christine Ravaz, confuse mais drôle et qui fait déjà le procès du procès : « Qui va payer ? C’est pas Jean-Claude Mas, c’est tout juste s’il ne fait pas la manche devant votre palais ! » « On a crucifié les femmes dans cette affaire au nom de la chirurgie esthétique et de Tüv qu’il faut protéger à tout prix.»  A ses yeux, le certificateur des implants est une fausse victime qui devrait  plutôt « comparaître comme prévenu et son directeur France devrait venir expliquer comment il effectuait les contrôles en allant au restaurant avec Jean-Claude Mas. » De dénoncer aussi l’absence des praticiens : « On n’a pas vu un seul chirurgien esthétique dans ce procès. Leur carence a pourtant coûté 100 millions d’euros à la Sécu ! »
    Prenant la parole pour « toutes ses soeurs de coeur dans le monde  qui n’ont pas pu venir », Me Nicole Pollack dénonçait les excuses opportunistes du patron de PIP : « Du premier jour au dernier, et même si vous le condamnez, il restera convaincu que son gel c’est le meilleur du monde. » Et pour résumer l’affaire, elle convoque Voltaire : « Ce qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c’est l’insatiable cupidité et l’indomptable orgueil des hommes. »
David COQUILLE

Le « phare bleu » scintille de ses feux poétiques

Lumineux. Toutes les nuits, un « OPNI » émet sur toute la rade de Marseille une parole lumineuse, silencieuse. Une « oeuvre-paysage» remarquable. 365 nuits pour rêver debout.
Trois éclats bleus longs et cours... Un éclat cours, un point, un temps. Un éclat long, un trait, trois temps. Depuis quelques jours, un phare posé en janvier au Fort de Niolon sur une crête du massif de la Nerthe, émet des messages lumineux en code morse sur toute la rade de Marseille. « Ecoute / la parole du monde / dépose / dépose-toi / fardeau / fardeau / du moi »
    Ce télégramme lumineux, ce premier « poème photonique morsien » d’ouverture rend hommage à Henry Bauchau, un poète, écrivain et psychanalyste (édité chez Actes Sud) est décédé à presque 99 ans le 21 septembre dernier.  Le poème s’intitule «Mandala» et crépite sur toute la rade de Marseille, visible chaque soir, de tous les points hauts de la ville mais aussi le long de la Corniche, sur l’esplanade du Mucem, du jardin du palais du Pharo, de Notre Dame de la Garde, des rives de Malmousque, etc.
    Baptisé « Phare bleu n°1 », ce projet aussi insolite que remarquable est né avec Marseille Provence 2013. Il a été « taillé in situ pour Marseille par des marseillais ». Et de l’aveu de ses inventeurs, c’est « un OPNI, objet poétique noctambule interpellant ». « Toutes les nuits, il émet une parole lumineuse et silencieuse dont la substance est un poème. Son objet est d’interpeller l’imaginaire des noctambules, délicatement, silencieusement. Ses éclats bleus s’adressent à la ville et à la rade toute entière », expliquent Catherine Rouan et Stéphane Raguenet, le duo d’architectes du cabinet AARR.
    L’idée leur est venue  lors d’une virée en voilier. « Ce projet très fort dans son concept est né de la beauté d’un paysage, celui de la Côte bleue. L’idée première était de révéler le paysage non pas en éclairant mais au contraire en faisant émettre quelque chose du paysage », raconte Catherine Rouan. Le fait de clignoter en morse et en bleu s’est imposé comme une évidence. Le bleu car c’est la seule couleur qui n’interfère pas avec la signalétique maritime. « Le morse parce que la lumière devient parole. Le rythme uniformément varié interpelle. L’observateur comprend tout de suite que ce phare est différent. » Le morse, écriture universelle, renvoie fortement aussi à l’idée d’un message de détresse, d’urgence, de secours à délivrer. « Il répond à une inquiétude fondamentale de l’ordre de la survie. »
    Des partenaires se sont emballés avec eux (Groupe Snef, deux écoles d’ingénieurs, Cetmef, Be Solair, Nheolis, etc...) et ont conçu un phare bleu qui se nourrit d’énergies... vertes : une petite éolienne et des capteurs photovoltaïques alimentent le projecteur à leds monochromes bleus de  64 Watts.
    « Rester à trouver ce qui allait être le fond de notre proposition. Des messages en morse mais que dire ? J’ai contacté Henry Bauchau car dans ses romans Oedipe sur la route et Antigone il y a plusieurs fois l’idée d’oeuvre-paysage. Mais qu’est ce que la parole silencieuse d’un paysage la nuit ? Il m’a fait cette réponse : « Comme vous le savez la parole silencieuse d’un paysage est la voix du poème. »

Un « acteur géo-poétique »

    C’est en cheminant que  le concept s’est affiné et que sa cohérence artistique s’est affirmée. « Comme la musique qui ne se décrypte pas note à note mais s’écoute et se perçoit, les éclats rythmés seront regardés et perçus pour leur musicalité. Le morse est une composition rythmique. La Parole Silencieuse d’un paysage, mystérieuse, est l’inconscient du projet. La lumière en est la substance poétique. »
    Quel message poétique délivrer ? « Une oeuvre-paysage parle de poésie. Mais quelle poésie ? de la poésie contemporaine Pourquoi ? c’est celle qui a le plus besoin d’audience. Une thématique ? Marseille est une ville avec des limites très franches. D’un arrêt de bus à l’autre on passe de la ville oppressante à la nature lunaire et caillouteuse. L’idée d’un face à face ville - nature. Le phare est orienté vers la ville et non vers la mer. L’idée d’un face à face à travers le paysage sous toutes ses formes, géographique, naturel, urbain, culturel, mental.»
    Si l‘objet éblouit autant par son originalité, c’est aussi parce qu’il réussit à mettre en résonance un faisceau large de questionnements qui n’épargnent rien («Ville et rade - Ville en rade ?» ) et qu’il  balaie un  spectre large de paysages géographiques (massif aride, mer, rade, port), culturels et sociologiques de cette ville-phare de la Méditerranée « où depuis toujours s’arrêtent les voyageurs, où s’ancrent les exilés. »
    « La programmation poétique sera aussi le reflet de cette diversité de paysages culturels masqués par la culture dominante. » C’est ainsi que le « Phare bleu n°1 » se présente aussi comme un « acteur géo-poétique » et qu’ « il s’agit bien de la création d’une œuvre d’art contemporain à multiples ramifications », souligne Catherine Rouan.
    « Phare bleu » est programmé pour déclamer de tous ses feux de multiples poèmes : ceux d’une poétesse performeuse qui a travaillé sur les notions de paysage, de code et de langage, Michèle Metail avec « Marseille en 13 portraits robots », Louis Noël Bobey avec Olymp’Hic, Dorothée Volut puis le 6 mai, «Not A Number » avec Ville en Rade ou encore, Julien Blaine avec Marseille entre  deux chagrins, etc. D’autres artistes seront invités à proposer ou  écrire des textes.
David COQUILLE

Des «faros» aux vers phototoniques

Avec ce premier «poème photonique morsien» né à Marseille en 2013, le « Phare bleu » fait ressurgir la mémoire du littoral méditerranéen et de sa contribution à l’histoire des communications depuis les premiers «faros» des marins grecs sur l’île du Planier. L’alphabet morse préfigure bien les modes modernes de transmission de l’information. On doit effectivement cette invention en 1793 à l’américain Samuel Morse. Mais en France, les dépêches se transmettaient surtout via une chaîne sémaphorique, celle du télégraphe optique de Chappe (des panneaux pendulaires), dont il reste encore les vestiges d’une tour sur le plateau de Vitrolles mais aussi sur les crêtes de la Fare-les-Oliviers. Une ligne Chappe reliait Lyon, Valence, Marseille et Toulon entre 1821 et 1852.
Quant à l’inventeur de la boussole aimantée, André-Marie Ampère, il avait aussi proposé des solutions avec un télégraphe électrique en 1820 muni « d’autant de fils conducteurs et d’aiguilles aimantées qu’il y a de lettres ». Devenu inspecteur général de l’Université, Ampère meurt d’ailleurs au cours d’une de ces tournées des lycées de province, le 10 juin 1836, dans les locaux de l’infirmerie du lycée Thiers de Marseille !
Plus tard, l’italien Giovanni Caselli  invente en 1861 le pantélégraphe. Une première ligne est exploitée dès 1863 entre Paris et Marseille. A cette occasion, une démonstration est même réalisé devant de hauts fonctionnaires de l’Empire chinois.
D.C.

Mairie de Peypin : Le téléphone pleure

Trois ans d’inéligibilité pour l’ancien maire, Christian Bourrelly

Le tribunal correctionnel de Marseille a suivi les réquisitions du parquet en condamnant hier l’ancien maire socialiste de Peypin, Christian Bourrelly, à 10.000 euros d’amende et 3 ans d’inéligibilité pour complicité de prise illégale d’intérêts et atteinte à la liberté et à l’égalité d’accès aux marchés publics.
Même réquisition, même peine prononcée pour le bénéficiaire, son ancien conseiller municipal, Gérard Gabriel, membre de la commission d’appel d’offre, condamné lui pour prise illégale d’intérêt et recel au bénéfice de sa société Abyss Communications. « Plus jamais il ne participera à une élection », avait plaidé son avocat, Me Daniel Vaillant au procès, le 8 avril. L’entreprise en question, gérée depuis par sa fille, se voit infliger 25.000 euros d’amende.
Tous les trois devront verser l’euro symbolique à la commune de Peypin, constituée partie civile après l’élection de son nouveau maire Albert Sale, élu sur une liste socialiste dissidente qui  avait dénoncé les faits.
L’affaire portait sur l’achat d’un  standard téléphonique de 9.059,70 euros par la commune de Peypin (5300 hbts) avec entretien annuel de 5.000 euros dans le cadre d’un marché à procédure adaptée lancé le 4 juillet 2007 et taillé sur mesure pour la société Abyss.
D.C.

vendredi 26 avril 2013

Les excuses de Mas, l’angoisse des victimes

6.012 femmes sont constituées parties civiles au procès de Marseille pour demander réparation de la tromperie.

27 avril 2013. Jean-Claude Mas n’est pas compatissant mais au fil du procès, il doit penser que ses excuses non homologuées pourraient comme son gel à l’huile industrielle, être homologuables. « Je demande pardon aux patientes pour la tromperie faite par PIP. J’espère que la nature des débats sera de nature à les réconforter, cela devrait bien les soulager », a poussé le septuagénaire qui encourt 5 ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende. Il nie l’escroquerie, reconnaît la tromperie sans la circonstance aggravante de l’exposition au danger.
Après huit journées complètes d’instruction du dossier, les positions des autres prévenus n’ont pas changé. Hannelore Font, directrice qualité, reconnaît avoir su l’existence du gel frauduleux mais pas son caractère dangereux. Pareil pour Loïc Gossart, directeur de la production, qui se dit responsable moralement mais pas pénalement. Claude Couty, le DG, « assume » mais qu’à compter de 2009 quand il s’est « posé des questions sur la dangerosité ». Thierry Brinon, son directeur R&D, se couvre, nie tout même la dangerosité qu’il pointait pourtant jadis. Hier, il a ironisé dans un long couplet sur les absents : « Les bâtisseurs de la fraude en 2001 sont absents de ce procès. Je n’accepte pas le concept de « démission blanchissante » surtout quand cela se termine par une transaction. J’ai essayé d’utiliser tous les moyens dont je disposais. Mon prédécesseur vertueux qui passe pour un héros n’a rien fait et a laissé perdurer. Ceux qui sont partis, ils n’ont rien fait après alors qu’ils n’avaient plus de lien contractuel. »
Sur la question de la dangerosité des implants PIP, un rapport officiel anglais de juin 2012 rejoint les conclusions de l’ANSM en France : « Les implants PIP sont clairement de qualité inférieure bien qu’il n’existe aucune preuve d’augmentation significative du risque de problèmes cliniques en l’absence de rupture », résume le National Health Service et ils ne « sont pas associés à un risque accru de cancer du sein ou d’autres formes de cancer par rapport aux autres implants mammaires ».

« La confiance dans le corps médical, pour moi c’est terminé »
C’est bien l’angoisse majeure exprimée à Marseille par nombre de victimes, outre les souffrances physiques et morales endurées par les opérations d’explantation recommandées par les autorités de santé de nombreux pays. Elles sont précisément 6012 à s’être constituées parties pour demander réparation de cette tromperie à grande échelle.
« Ils m’ont fait vivre un enfer. On m’a pris mon entreprise. Ils ont ruiné ma vie. S’ils mangent leur pain noir aujourd’hui, moi c’est de la vache enragée que je mange chaque jour », a lancé hier Christine aux prévenus. Sandrine « Vous dites qu’on se plaignait pour du fric mais ce sont vous M. Mas et vos acolytes qui ont agi pour le fric, pour vos salaires confortables ! », a crié Sandrine.
« J’attends justice. C’est la seule chose qui nous reste. Que ce procès serve d’exemple dans ce pays où l’on fait du profit sur la santé », s’est indignée Julia pour qui « la confiance dans le corps médical, pour moi c’est terminé. » Après une reconstruction difficile suite à un cancer du sein mal diagnostiqué au départ, elle reçoit une lettre de l’Institut Curie la prévenant qu’elle porte un implant PIP. « La terre s’est mise à trembler. Cette lettre, c’était une agression. J’ai eu une colère à avoir envie d’ouvrir les fenêtres et de crier. Mais vers qui je me retourne ?! Où est le corps médical ?! » L’avocate de l’Institut Curie constitué partie civile a alors pris la parole : « L’Institut Curie a placé 573 prothèses PIP. Nous avons envoyé cette lettre préventivement à nos patientes avant la médiatisation. Nous sommes votre agresseur et nous en sommes désolés. » Le procès reprend lundi avec les plaidoiries des parties civiles.
David COQUILLE

« Vous avez pleuré sur vous, pas sur nous ! »

Témoignages dignes et bouleversants de femmes victimes qui dénoncent le déni de réalité de Mas

26 avril 2013. Le temps des victimes, de leurs questions, de leurs peurs et de leur colère aussi. Après l’âpreté de débats souvent pointilleux, le procès du fabricant PiP de prothèses mammaires viciés et de quatre cadres a donné la parole aux parties civiles. Une tribune grand écran pour des suppliciées bouleversante dont la part de vérité s’est déversée comme de la chaux sur les prévenus.
« On m’avait dit que c’était la Rolls de la prothèse », raconte Christine qui après un cancer voulait « réparer quelque peu ce qui avait été endommagé. » Quatre opérations déjà quand éclate l’affaire PiP. « Le chirurgien me dit qu’il faut l’enlever. Pour moi c’était de l’ordre de l’agression. Mes proches m’ont supplié d’y retourner. Des chirurgiens me disaient «j’en ai posé des PiP et alors ?!» Son récit se tourne alors vers les prévenus. « Il y avait des verrous contre ce Geo Trouvetou et ces professeurs Tournesol et ils ont tous sauté ! Le premier verrou, c’était Hannelaure Font. Qu’on ne me dise pas quand on est directrice qualité qu’on a du accepter sous la contrainte ! Le deuxième verrou, c’était les organismes de certification. Et là j’ai pas le syndrome de l’anxiété mais de la perte de confiance totale. Le troisième verrou, c’était l’ANSM et ses explications sont indécentes. Je n’ai pas de haine mais du mépris », conclut Christine.
Elle est toute menue, toute émue, tassée face au micro pour parler des « mutilations » qu’elle a endurées. Valérie avait gardé huit ans cette prothèse qui « m’a rendu ma féminité » « J’aimerais tellement laisser ici ce qui est rentré dans mon corps. » Cette huile dans mon corps qu’est-ce qu’elle devient ? Elle se diffuse partout avec quel effet ? C’est là la source de mes incertitudes et de mes questions », lui succède Christine qui après avoir perdu un sein en 2002, avait accepté une prothèse pour « retrouver un volume, permettre à mon compagnon de se remplir les mains ». Arrive mars 2010, « l’annonce de la fuite intempestive de cette prothèse » suivie d’un ganglion cancéreux. « Là je n’avais pas autant envie de me battre... » Les mots lui brûlent les lèvres. Il faut encore parler. « Dans cette histoire, je ne peux m’empêcher ayant été enseignante de m’interroger sur le type de société qu’on veut promouvoir. Ce n’est pas criminel que l’on veuille de l’argent mais quand ça devient supérieur à la vie des personnes. Qu’on ne traite pas les personnes comme un moyen mais comme une fin ! »

« Toutes ces souffrances dues à une tromperie »
Discrète entre toutes, Karine, sourde et muette qu’une interprète seconde de ses mains. « J’arrivais pas à avoir d’informations, c’était encore plus difficile avec ma situation de surdité, une sorte de double angoisse. »
Katia, elle, est « venue témoigner par délégation du cas de ma soeur». Les pleins pouvoirs pour Edwige décédée d’un cancer en 2011. Edwige, c’est l’autre volet «homicide involontaire» toujours à l’instruction. « Toutes ces souffrances dues à une tromperie qui a amené à 5000 victimes, des femmes toute troublées et qui ont toute peur que la finalité soit pour elles, la même qu’Edwige. »
Un cri vient d’Espagne. Patrizia, le roulé des «R» et la légèreté de Victoria Abril. « Pourquoi il continue le procès madame la juge ? Y a pas assez de preuves ?! Et mon chirurgien qui voulait porter plainte contre moi ?! Allez je m’arrête, c’est mieux. » Rires dans la salle. Autre cri mais de colère celui-là : « Vous êtes tous responsables et coupables du mal que vous nous avez imposés ! Mademoiselle Font, vous avez pleuré sur vous, pas sur nous ! Monsieur Brinon, comment pouvez-vous regarder votre mère dans les yeux ?! Vous ne fabriquiez pas des bibelots mais des prothèses pour des corps de femmes. Cette culture d’entreprise basée sur le mensonge est insupportable. Vous nous avez oubliées ! », jette Joëlle, explantée « le jour de mes trente ans de mariage ». Ginette, Karine, toutes dignes et belles comme Rachel qui tremble et hoquète : « C’était juste pour remonter ma poitrine, j’avais eu trois enfants. » Bruits de mouchoir.
David COQUILLE
Les débats du procès en direct sur www.lamarseillaise.fr.

J.C Mas, des excuses bidon comme son gel

Le fabricant d’implants viciés s’excuse du bout des lèvres puis clame : « mon gel, c’est le meilleur ! »

25 avril 2013. Accusé de tromperie aggravée et d’escroquerie, Jean-Claude Mas, le fabriquant d’implants mammaires remplis d’un gel à l’huile industriel bon marché et non déclaré, a pour la première fois, esquissé des excuses hier aux victimes. Des excuses du bout des lèvres et formulée comme son gel, sans grande cohésivité ! Pour la sincérité, chacun appréciera : « Je reconnais la fraude », acquiesce-t-il d’abord à la présidente, Claude Vieillard. « J’ai trompé les chirurgiens c’est évident. Je l’ai écrit dans une lettre à l’Afssaps et j’ai demandé aux patientes d’excuser PIP et son fondateur. » Voilà c’est dit qu’il s’était déjà excusé... Et sur la dangerosité de son gel au siloprene U65 moins destiné à gonfler des faux seins qu’à imperméabiliser les composants électroniques ? « De peur de me tromper, je préfère me taire », lance-t-il, finaud, à l’avocat de Tüv le certificateur qu’il sèche encore en demandant du temps avant de répondre s’il reconnaît ou pas l’escroquerie par dissimulation de son gel lors des audits. Comprenez : « Je veux réfléchir aux conséquences de mes réponses... » « Vous avez eu trois ans pour y réfléchir ! », cingle Me Olivier Gutkès.

« Peut-être suis-je un perfectionniste ! »
Finalement comme ça le démange Jean-Claude Mas se lance dans la zone rouge : « La dangerosité n’existe que dans le cerveau des journalistes et peut-être de certains cadres. S’il avait été dangereux, on le saurait depuis 20 ans ! », proclame celui qui regarde toujours son gel « comme le meilleur ». « Vous avez entendu les victimes ? », tente le procureur Ludovic Leclerc « Je pense à elles. Mais y a pas que PIP dans le monde. Tous les fabricants ont des problèmes. Rien n’est implantable, c’est un dogme. Par contre le corps tolère le silicone. » De se lancer dans une démonstration qu’il conclut d’un : « Cela répond un peu à votre dangerosité ? »
« Si votre gel était si bon que ça, pourquoi y avoir apporté toutes ces modifications ? » bondit la présidente qui s’entend répondre : « Peut-être suis-je un perfectionniste ! » - « Pourquoi avoir indemnisé des patientes si votre gel était si parfait ? » - « C’est normal la garantie. (son portable sonne de nouveau ) Ah mais c’est pas vrai ! » De poursuivre comme s’il parlait de pneus de voiture à remplacer : « Le corps d’une patiente change dans le temps. Si les prothèses sont rompues et qu’elle avait du 190 centimètres cubes, 10 ans après on change le volume, on lui met du 210 centimètres cubes sinon ça tombe, ça va pas. »

« C’est pas parce qu’on reste qu’on cautionne »
A l’opposé de la déposition digne et humaine d’un témoin le matin. Alban, 39 ans, était directeur technique chez PIP jusqu’en 2006. Il était opposé au gel PIP. « Loïc Gossart et Hannelore Font se sont battus avec moi pour la réintroduction du gel Nusil. Claude Couty nous comprenait. N’y parvenant pas, il part. « C’est simplement un problème de morale et d’honnêteté qui vous fait dire que vous ne pouvez pas utiliser ce gel. Je ne suis pas un carriériste dans l’âme. » Mas avait refusé sa démission. « M. Mas me disait que je me retrouverai à vendre des pizzas dans un camion. Quand vous avez un problème de conscience, soit vous partez soit vous cherchez à modifier les choses. Et c’est pas parce qu’on reste qu’on cautionne. C’est un problème de conscience personnel et ça devient dur de dénoncer son employeur. On ne dénonce pas parce que c’est votre employeur et que 100 personnes bossent et leur famille derrière. » Alban parle, un flot libérateur, calme et posé. « Ce ne sont pas des décisions faciles à prendre, il y a le chômage. Les personnels se font bouffer de l’intérieur avec leurs problèmes de conscience. Moi, j’étais à bout de souffle mais ma décision était prise et rien ne pouvait la changer. »
David Coquille
Les débats du procès en direct sur www.lamarseillaise.fr.

mardi 23 avril 2013

« C’était bien dissimulé, une belle organisation »

Deux inspecteurs de l’Afssaps racontent la découverte du gel frauduleux et renvoient la balle sur le certificateur Tüv

Au procès du scandale des implants mammaires PIP remplis de gel industriel, l’Agence française de surveillance du médicament s’est retrouvée hier sur le grill aux côtés de Tüv Friedland, le certificateur allemand pourtant constituée partie civile. Ont-ils tardé et manqué à leur devoir de vigilance ?




    « On ne va pas non plus faire le travail des organismes certificateurs. On intervient en second niveau. Avec 6 inspecteurs pour contrôler des milliers de dispositifs médicaux, clairement on se base sur des campagnes d’inspections ciblées », n’a pas manqué de rappeler Jean-Christophe Born, l’inspecteur de l’ex-Afssaps lors de son audition. Lui et son collègue Thierry Sirdey vont découvrir la fraude quand le 1er mars 2010, ils sont alertés d’une montée de ruptures des implants. Lors d’une réunion à Paris le 19 décembre 2009, trois cadres de PIP avaient livré des explications cohérentes.   
    Les 16 et 17 mars 2010, les deux inspecteurs descendent à La Seyne-sur-Mer tout inspecter. « J’étais parti sans suspicion de fraudes », dit-il. Le premier jour, ils visitent les locaux de production très bien tenus, lisent la documentation. Puis, M. Born a une intuition en se souvenant avoir discuté la veille avec son collègue de photos de fûts étranges stockés prises à l’extérieur de l’usine et envoyées le 30 novembre 2009 par un mystérieux « praticien expert ».

« Avec 9 tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! »

Le second jour, il veut alors voir ces fûts. « On s’est rapproché des clôtures et on a vu sur les étiquettes le nom Silop. » C’est une huile non médicale utilisée pour imperméabiliser les plaques de composants électroniques... « On a commencé à s’inquiéter. Je suis allé vers les fûts. Les étiquettes avaient disparu. J’ai demandé qu’on nous tire les fûts. Le magasinier ne voulait pas. Et là on a retrouvé les étiquettes des matières premières. » L’inspecteur interroge. « On ne nous répondait pas. Ce qui m’a beaucoup surpris c’est que le directeur de production ne sache pas. Je m’inquiétais, je demandais dans les étages des explications. Jean-Claude Mas ne s’en souvenait plus. Il disait qu’il avait fait de la recherche avec. Le directeur du développement me disait que cela avait servi à faire 1000 échantillons, mais je voyais qu’avec 9 tonnes, cela aurait fait du 9 kilos par implant ! » Ainsi démarre le scandale qui va vite s’internationaliser. « Oui, c’était bien dissimulé et sans la photo c’était bien difficile mettre le doigt dessus. Là où il faut une belle organisation pour ne pas montrer la moindre trace des produits, c’est pour les audits.»
    « Il est clair que le gel n’était pas approprié au comportement d’une prothèse et dans le temps n’était pas viable. Aujourd’hui, on attend d’une prothèse qu’elle dure 10 à 15 ans », témoigne Thierry Sirdey, l’inspecteur évaluateur. Avec les prothèses PIP, le risque de rupture avant 5 ans est 30% supérieur aux autres marques et « oblige à des ré-implantations prématurées ». « C’est là où réside le risque en terme de santé publique ». Sur la dangerosité intrinsèque, « il n’a pas été démontré de cytotoxicité ni de génotoxicité », le gel qui transsude sur les tissus humains serait juste irritant. Quant à Tüv qui certifiait les implants, sa position ne varie pas : « Nous avons été trompés par la société PIP qui pratiquait une fraude de grande ampleur. Nous ne sommes pas des inspecteurs ni des policiers. Nous ne recherchons pas les fraudes de manière active. »
David COQUILLE

« Je ne le faisais pas de gaieté de coeur »

Des salariés qui savaient et une agence de surveillance restée sourde aux signaux d’alerte.
Des salariés qui savaient mais ont laissé faire, une agence de surveillance qui a compris mais trop tard. Au procès PIP, la vérité brille de toutes ces facettes. L’ex-directeur de l’évaluation de plusieurs dizaines de milliers de dispositifs médicaux de l’Agence nationale de surveillance du médicament, ex-Afssaps, est venu dire hier au 5ème jour du procès à Marseille que « la responsabilité de la surveillance du fabricant de prothèses » incombait au « premier niveau » à l’organisme certificateur, Tüv Friedland, bornant le rôle de l’ANSM « en second niveau » à de la collecte de données d’alertes de pharmaco-vigilance.
    « Ce système réglementaire a des limites », a bien été obligé de reconnaître Jean-Claude Ghislain  qui reçoit 12.000 signalements chaque année. Ainsi les rapports d’audit de Tüv, le certificateur allemand des implants PIP ne lui étaient communiqués. « Cela reste un problème général d’opacité du système. On peut en tant que de besoin réaliser des contrôles de second niveau qui viennent après ceux des organismes certificateurs. » De pointer aussi la carence des chirurgiens qui respectent peu l’obligation de déclarer les incidents. Depuis l’ANSM développe des outils d’analyse pour détecter les signaux d’alerte perdus dans le bruit de fond. « C’est typiquement la problématique sur les implants avec des incidents à bas bruit et à fréquence faible. Nous avions eu 8 signalements de chirurgiens en 2007 puis 34 en 2008. Cela a attiré notre attention. » A l’été 2009, on sait qu’il se passe quelque chose sans toutefois identifier l’origine des ruptures précoces d’implants. Les responsables de la société PIP répondaient que leur process de fabrication n’avait pas changé. Une fois le retrait des prothèses du marché le 30 mars 2010, l’Afssaps reçoit 4.000 déclarations rétrospectives d’explantations pour des ruptures d’implants ! « C’est dramatique pour nous de constater que si nous avions eu en temps et en heure ces signalements des chirurgiens, nous aurions pu aller plus rapidement à la conclusion », remarque M. Ghislain. Sur la dangerosité des prothèses  au gel PIP dont 20% connaissent des anomalies avant la 6ème année, « Clairement ces implants occasionnent un danger du fait des ré-interventions mais à ce jour, les données ne permettent pas d’objectiver un surrisque de cancer. »
    Une agence parisienne aveugle, des salariés muets à la Seyne -sur-Mer. « Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas eu l’idée de dénoncer les choses. Je n’avais aucune raison de douter de la dangerosité. Le gel n’était pas déclaré mais cela ne voulait pas dire qu’il ne répondait pas aux normes. Je regrette de ne pas m’être posée de questions plus tôt », a dit Malika, l’ingénieure qui tentait d’améliorer la formule du gel  de Jean-Claude Mas. Hervé l’informaticien était chargé d’effacer avant chaque audit les traces des « fournisseurs indésirables ». Il baisse les yeux : « Je ne faisais pas la bascule de gaieté de coeur. La dénonciation, ça ne fait pas partie de mon vocabulaire. C’est vrai qu’on peut toujours être rebelle mais moi je n’ai pas refusé. » « Après chaque audit du Tüv, les services fêtaient ça en faisant un pot et ça repartait comme avant » se souvient  Valérie en charge de l’hygiène à PIP.
David COQUILLE

samedi 20 avril 2013

Implants PIP : La recette expliquée...

Face à Hannelore Font, Jacques Dallest est sorti hier de ses gongs : « Il faudra que vous nous expliquez en quoi consiste la fonction de directeur qualité ! Cela ne vous a jamais posé de problèmes de conscience que vos prothèses soient remplies avec du gel non conforme à usage non médical ? Donnez-nous une réponse ! »
En garde à vue, la jeune femme avait livré la recette de la maison PIP concoctée par Jean-Claude Mas :
« Les prothèses sont remplies de gel par l’orifice laissé. Au départ il y a une huile de silicone introduite dans l’enveloppe. Cette dernière est à nouveau passé au four et c’est à ce moment-là que le mélange se transforme en gel. L’orifice est bouché avec de la colle. Les prothèses sont désinfectées dans un bain d’eau oxygénée, rincées et emballées dans leur emballage final. Ensuite les prothèse partent au laboratoire Sterlab pour la phase de stérilisation qui se passe avec un gaz oxyde d’éthylène. L’emballage est perméable à ce gaz. La prothèse reste environ 10 jours dans leur laboratoire. La prothèse revient chez PIP. Sur le lot revenu il y a des tests par échantillon effectué par le service contrôle qualité. 5 prothèses par lot sont testées. Il s’agit d’essais mécaniques : découpage de l’enveloppe, test de pénétrabilité sur le gel de silicone. Sur les éprouvettes (morceaux de l’enveloppe) il y a un essai purement mécanique (résistance de l’enveloppe et de la zone de collage). Il y a aussi la vérification de la phase de stérilisation : on place des bandelettes contaminées dans l’emballage et on vérifie que toutes les bactéries sont mortes. Il y a aussi une vérification du taux d’oxyde d’éthylène résiduel est conforme. »
D.C.

« Tromperie oui, mais aggravée ça veut dire quoi ? »

20 avril 2013. Pour Jean-Claude Mas, cuistot des implants PIP, son gel low-cost n’était certes « pas réglementaire » mais « pas plus dangereux qu’un autre »

Son gel, c’était son bébé et Jean-Claude Mas, trois ans après l’explosion du scandale mondial qui a soufflé son usine à implants mammaires n’en démord pas : « Pendant 30 ans, on a utilisé le même gel. Il n’est pas plus dangereux qu’un autre. Il y a des tas, des tas de test de bio-compatibilité qui ont été effectué. Tous les gels sont irritants mais pas toxiques. Je n’ai jamais changé les ingrédients. » Ses remords sont pour son usine, pas sur les victimes pour lesquelles il n’aura pas un mot : « C’était la plus belle fabrique de prothèses mammaires, tout était nickel pour aller sur le marché américain quand je l’ouvre 2 janvier 1992 ! »

« J’ai été fabriqué. Je suis le grand Satan ! »
Même son gel à base d’huile industrielle à usage non médicale, et bien rien à redire, une super invention ! Que la présidente Vieilard et les parties civiles lui assènent qu’il n’a aucun diplôme de chimie ou de biologie et qu’il n’aurait jamais du cesser de vendre du vin et du saucisson sur les marchés plutôt que de se lancer dans les faux seins, il reste de marbre : « Je suis celui qui le connais le mieux ce gel de manière empirique. Le gel PIP n’était pas homologué mais il était homologuable. » A 72 ans, Jean-Claude Mas est droit dans ses bottes, le verbe haut, le ton sûr, le phrasé catégorique. « Il y a eu de la délation de je ne sais pas qui. Je n’ai aucune haine. La haine c’est un luxe que je ne peux pas me payer. » Il n’est pas celui que décrivent ces victimes. « J’ai été fabriqué. Je suis le grand Satan. » Quand la présidente, Claude Vieillard lui demande s’il reconnaît les faits, il a cette réplique magistrale. « Tromperie oui, mais le mot aggravé ça veut dire quoi ? »
La présidente : « Cela veut dire que l’aggravation résulte de ce que les faits ont eu pour conséquence de rendre l’utilisation dangereuse pour la santé des personnes en raison du risque de rupture d’implant. » Idem pour l’escroquerie sur Tüv l’organisme certificateur : « Ce sont des nuances juridiques que j’ai essayé de me faire expliquer... »
Son ex-bras droit, le financier Claude Couty, n°2 de PIP, fait aussi dans la dentelle de Calais : « J’ai permis la vente de lots non homologués mais je n’ai jamais eu conscience du danger. La dangerosité était exclue de mon esprit. Je n’ai pas eu conscience de l’importance de ce problème réglementaire.» De toute façon, Mass n’en faisait qu’à sa tête : « Il pense avoir la science infuse. Il n’accepte pas le conseil des autres. » Le procureur Dallest bondit : « Vous ne vendiez pas des savons mais des implants mammaires. Quand en 2008, vous avez connaissance d’une flambée de ruptures de ces produits vous ne vous posez pas de question sur la dangerosité du gel ? Cette non-homologation, c’est quand même la bombe à retardement dans cette entreprise ! »
Scène de repentances larmoyantes pour Hannelore Font, directrice qualité chez PIP : « Je tiens à m’excuser auprès des patientes qui ont eu à souffrir de n’avoir pas été à la hauteur. » Pour autant « le gel ne pose pas de problèmes pour la santé ». Tout pareil pour Loïc Gossart, ex-directeur de la production : « Je ne me considère pas pénalement responsable. On était 120 madame. C’était un système complet de fonctionnement de la société. Vous ne pouvez pas changer tout seul un processus qu’on vous inculque depuis des années.»
« Entre 450 et 500.000 implants frauduleux ont été vendus depuis 2001 quand j’arrive en 2006. Des gens avant moi étaient des spectateurs avisés de cette fraude. Ils n’ont même pas été entendus. Je n’avais que des pouvoirs opérationnels et pas décisionnels dans cette société », s’exonère Thierry Brinon le directeur de la production. « Hasard de la vie », il a appris avec l’affaire que sa mère atteinte d’un cancer portait un implant PIP frauduleux ! « J’ai pas démissionné car je me suis dit c’est bien de rester pour comprendre au cas où » Sa mère, elle, ne s’est pas constituée partie civile.
David COQUILLE


Le procès PIP dans la guéguerre des nullités

19 avril 2013. Les victimes s’impatientent de voir le tribunal entrer au cœur du scandale des implants mammaires.

Après deux jours d’une épuisante bataille d’incidents de procédure, le tribunal devrait enfin entrer dans le vif du procès de la vaste tromperie mondiale d’implants mammaires au gel non conforme et entendre les prévenus.
Le cadre judiciaire de l’affaire PIP s’apparente à un mécano géant sur lequel le procureur de la République a dû s’expliquer, faisant oeuvre de pédagogie devant le désarroi d’une centaine de victimes perdues dans ces âpres débats juridiques auxquels elles assistent depuis deux jours. « Je comprends les parties civiles qui doivent douter de nos échanges techniques mais il faut en passer par là. C’est la rançon de notre démocratie », leur a dit Jacques Dallest qui a justifié le mode complexe des poursuites : une enquête préliminaire avec citation directe pour «tromperie aggravée et escroquerie» surmontée de deux informations judiciaires distinctes , toujours en cours, ouvertes d’une part pour «blessures involontaires», d’autre part pour «banqueroute, abus de biens sociaux et blanchiment».

18 mois d’enquête, 3 ans de procédure
La raison ? « Le cœur de la prévention est la tromperie aggravée par sa conséquence sanitaire qui incrimine le fabricant avec ses différents responsables. Le ministère public a jugé opportun de rester en enquête préliminaire car le délit était constitué. » Mais, précise le procureur, « le débat reste ouvert sur l’aspect «blessures involontaires» pour savoir si les prévenus ici présents peuvent être poursuivis de ce chef. » De rappeler urbi et orbi, que « le ministère public n’agit ni sous pression politique ni sous un diktat médiatique ». « Ce dossier, c’est 18 mois d’enquête, 3 ans de procédure. Nous ne sommes pas dans une justice d’exception mais dans un processus pénal cohérent, digne, honorable. Son cadre a été étudié, analysé. » A ses yeux - et les victimes lui sauront gré de cette sollicitude officiellement exprimée – « un procès au bout de trois ans, c’est trop long mais c’est un délai raisonnable. En information judiciaire, cela aurait été, mesdames, dix ans peut-être avant d’avoir un procès. » De glacer leurs attentes en matière de dédommagement : « Les préjudices corporels, c’est pas forcément à cette audience-là qu’il faudra les présenter. M. Mas a été hué et il le sera encore quand on abordera l’aspect financier. »

Tüv Friedland attaquée
Il fut question fortement hier de la constitution de partie civile de Tüv Friedland. L’organisme certificateur allemand des implants mamaires PIP, a été vivement mis en cause par Me Christine Ravaz pour ses plaignantes : « Leur constitution de partie civile est illégitime ! Jean-Claude Mas est un mégalomane qui s’est toujours vanté de ce qu’il faisait. Tüv savait, Tüv a couvert. Tüv ne peut prétendre être partie civile ici ! Nous ne pouvons pas accepter que celui qui a accepté que ces produits soient vendus, Tüv, soit assis sur le même banc que nous. Dans 50 pays, Tüv est considéré comme coupable, pas comme victime ! »
Réplique d’Oliver Gutkès pour Tûv : « On tente de clouer Tüv au pilori médiatique ! Il n’y a eu aucun manquement à la réglementation, pas d’amateurisme, mais un système généralisé quasiment mafieux qui a trompé nos auditeurs pourtant rompu à leur exercice professionnel. »
David COQUILLE

Le procès PIP sous les huées des victimes

18 avril 2013. Le tribunal tranche ce matin les demandes de renvoi présentées par la défense. La tension excessive de cette première audience est à la mesure du gigantisme de cette affaire de tromperie.

Une vague de robes noires et de victimes remontées. Le procès de Jean-Claude Mas et de quatre ex-dirigeants de la société PIP s’est ouvert hier dans la salle d’audience délocalisée du Parc Chanot de Marseille, suivi par près de 400 plaignantes qui, dans cette étrange ambiance de justice foraine sinon de kermesse judiciaire, ont manifesté tout haut leur ressentiment.
Cette première audience très procédurière était consacrée aux requêtes de la défense demandant le renvoi sine die du procès le temps de déférer une « question prioritaire de constitutionnalité ». La Cour de Cassation s’est déjà déclarée incompétente pour statuer sur une requête en « suspicion légitime » dirigée contre le tribunal.
Jean-Claude Mas était, lui, arrivé avec une demi-heure d’avance avec son avocat Me Yves Hadad. Un silence tétanisé a d’abord accueilli l’entrée de la figure de proue du scandale des prothèses mammaires. L’homme âgé de 73 ans, habillé d’un pantalon de velours marron et d’une veste marine et jaune vive, était aussitôt assailli, englouti par un pack de dizaines de journalistes et de cameramen, douché par les flash comme une star traquée. De longues minutes de débordements avant qu’un service d’ordre n’intervienne. Ses co-prévenus, Claude Couty, Hannelore Font, Thierry Brinon et Loïc Gossart s’étaient plus discrètement installés dans la salle.

Le «vertige» de la défense, la «nausée» des parties civiles
Après avoir décliné son identité, l’ex-président fondateur accusé de tromperie aggravé et d’escroquerie répondait qu’il percevait « 1.700 voire 1.800 euros de retraite », déclenchant les huées et risées de nombreuses victimes assises au fond de la salle. « Connard ! », l’apostrophait bruyamment une femme. Le public s’est laissé aller à de régulières manifestations d’hostilité et de ressentiment sans que la présidente Claude Vieillard ne parvienne à installer son autorité.
« J’ai le vertige à présent. Le gigantisme de ce procès est exceptionnel », déclarait Me Christophe Bass, l’avocat de Claude Couty qui dénonçait le choix du parquet de scinder l’affaire : le volet « blessures involontaires » étant encore à l’instruction avec le volet financier, ce qui à ses yeux porte atteinte aux droits de la défense si le procès du volet «tromperie» devait avoir lieu. D’insister : « Ce procès n’est ni lisible ni compréhensible alors que l’instruction continue d’investiguer ».

« Ils sont déjà ruinés par la décision que vous rendrez ! »
« Ceux qui sont derrière moi, on ne peut pas les accuser comme ça ! Ils sont déjà ruinés par la décision que vous rendrez », s’agaçait Me Jean Boudot, conseil de l’ex-directrice de la qualité chez PIP, plusieurs fois chahuté et hué par les victimes. « On n’a jamais eu autant de parties civiles. 50 mails de constitutions par heure. Une Brésilienne, une Syrienne, une Roumaine... On n’a jamais eu à affronter ça. Ce procès est unique. C’est la première fois dans l’histoire procédurale française que le ministère public choisit la citation directe sans passer par l’information judiciaire »
Prenant exemple de milliers documents techniques anglais qu’il est impossible à sa cliente de faire traduire en raison des coûts mais qui lui sont indispensables pour prouver que « le taux de rupture des implants PIP n’est pas forcément supérieur à ceux des concurrents », Me Boudot prévenait : « A 40 euros la page, on me refuse la traduction alors je vous les verse en anglais. Voilà où nous conduisent ces choix procéduraux ! »

« Notre honnêteté et loyauté »
Le procureur de la République, Jacques Dallest, justifiait le cadre juridique des poursuites qu’il qualifiait de « réfléchi et concerté » : « Le code de procédure pénale est un et indivisible qu’il y ait un ou des prévenus, une ou des milliers de victimes. Qu’on ne nous reproche pas notre honnêteté et notre loyauté. Ce n’est pas facile cette procédure. Nous avons fait application exacte de la loi pénale dans un souci de justice.»
Les parties civiles refusent évidemment tout renvoi. « Les prévenus ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude pour demander au conseil constitutionnel de faire suspendre le procès en renvoyant le dossier pour qu’il reste dix ans à l’instruction », pestait Me Olivier Gutkès rejoint par l’avocat de l’Agence nationale de sécurité du médicament, Me Pierre-Olivier Sur : « L’enquête préliminaire en circuit court, c’est 97% des affaires. Alors qu’on ne vous demande pas de priver les victimes du procès ! »
Laurent Gaudon, avocat de 1600 victimes en rajoutait : « J’ai entendu parler de vertige. Pour nous, partie civile, c’est plutôt la nausée. » Les victimes l’acclamaient avec Me Christine Ravaz qui exigeait de savoir si Jean-Claude Mas avait des « comptes offshore dans le Delaware ». « Tout ça c’est complètement dilatoire avec pour seul but de salir la justice ! », concluait Me Philippe Courtois qui glissait en passant que parmi ses 2600 victimes, certaines souhaitaient la peine de mort...
David COQUILLE

lundi 15 avril 2013

Le mobile raciste pas reconnu des juges

Dix mois de prison avec sursis pour une ratonnade dans les serres.

Le droit, une appréciation souveraine, une sensibilité variable aussi. Contrairement au représentant du parquet, le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence n’a pas cru au racisme dans l’affaire de la « ratonnade » du hameau des Baisses à Lançon-de-Provence.
Six jeunes lançonnais de 18 à 28 ans, défendus par Me Ludovic Depatureaux ont été reconnus coupables, hier, de violation de domicile et de violences aggravées et tous condamnés à 10 mois de prison avec sursis contre 9 mois requis dont 4 ferme par le procureur Marion Menot. Le mineur du groupe avait eu un rappel à la loi. Dans la nuit du 20 au 21 décembre 2011, le troupeau s’était lancé en cagoules, treillis et rangers, dans une expédition armée contre des jeunes ouvriers agricoles maghrébins dormant dans un misérable cabanon près des serres à salades. Les assaillants les regardaient, sans la moindre preuves, comme responsables de dégradations et vols dans le quartier.
Mais les juges ont écarté la circonstance d’intention raciste que le procureur avait soutenu dans ses réquisitions le 18 mars. « Cette intention raciste n’était pas votre première motivation qui était d’aller faire votre justice vous-même », a commenté, hier, le président du tribunal, Benoît Delaunay, face aux jeunes gens venus prendre condamnation.
Les textos échangés entre les protagonistes étaient pourtant sans équivoque. « Tu veux venir ce soir o arabe ? », « Se soir, ratonnade ». « On a préparé des cartouches de gros sel, on va faire la battue au clando », s’était vanté l’un d’eux au bar du coin. « On en a marre de l’insécurité. On a voulu faire justice nous-mêmes. On a fait n’importe quoi. On a déconné complètement », avait reconnu l’aîné du groupe, Nicolas, un maçon de 28 ans. « Ils sont allés taper de l’arabe. Le racisme était là. Les propos, les termes sont là si les mots ont encore un sens. A croire qu’il est difficile de faire juger le racisme dans nos prétoires », réagit Me Olivier Lantelme, avocat d’une des jeunes victimes, très déçu du délibéré. Sentiment partagé par Me Clément Dalençon. Les deux avocats espèrent à présent que le parquet qui les avait entendus interjettera appel du jugement. Le tribunal a alloué 3.000 euros à deux des trois victimes frappés et 900 euros pour leurs frais.
David COQUILLE

dimanche 14 avril 2013

Kathryn Gustafson : « La porte d’une ville d’une grande force »

Le portrait de Kathryn Gustafson est de la photographe Julie Harmsen
Vingt ans plus tard, la célèbre architecte paysagiste américaine Kathryn Gustafson, jointe par téléphone à Londres, redécouvre son œuvre qu’elle commente. Et en français s’il vous plaît.
 
Comment expliquez-vous que votre ouvrage, une référence dans l’urbanisme paysager, soit ignoré et même oublié des autorités ?
Les choses changent dans le temps. J’avais remporté l’appel d’offres en 1993 avec la DDE qui me demandait d’utiliser la plus grande quantité possible de terre extraite du tunnel de la L2. J’ai utilisé presque un million de mètres cubes de remblais pour modeler une entrée extraordinaire de Marseille. Quand on franchit le tunnel de l’Estaque, on passe dans un monde merveilleux. Cette zone très naturelle est tout à fait exceptionnelle. Il y avait toute une logique pour tous ces murs en gabions que j’ai dessinés et qui structurent l’espace, un peu comme des terrasses qui montent dans la colline en utilisant un équilibre en forme de fémur qui impose une progression. On va ainsi de l’infrastructure à la nature. Tous ses murs en gabions, nous les avons complètement dessinés en 3D. Et il y a vingt ans, la 3D, c’était une première. On a réalisé une maquette en argile puis en plâtre que nous avons scannée sur un logiciel qui nous donnait des informations très précises sur le site. Mais le projet des Pennes-Mirabeau n’a pas été réalisé exactement comme on le voulait au départ. Dans l’axe Nord-Sud, les mouvements de terre n’ont pas été construit correctement, cela devait coûter trop cher.

N’est-ce pas désolant de voir votre réalisation oubliée des administrations, ignorée des Marseillais, inachevée et au final dégradée, contemplée des seuls lapins ?

Des lapins sur le site ? Il y en a partout en France, il faut les manger ! (rires) Effectivement c’est un peu en ruines. L’oubli, c’est normal. C’était il y a vingt ans. C’est la première fois que je les revois [nous lui avions mailé des photos] avec du tagging dessus. C’est étonnant car c’est dur d’accéder au site. Je trouve les colonnes toujours très belles. C’est un site que les automobilistes voient en passant sans pouvoir s’y arrêter mais il n’y avait rien d’intentionnel à cacher l’ouvrage.

Dans ce vaste aménagement paysager de l’échangeur, que viennent dire ces singulières colonnes ?

C’est un objet culturel sur l’imperméabilisation de la terre, de l’eau qui retourne lentement, doucement dans le système naturel. Ces colonnes sont une représentation du volume visuel de l’eau égale à l’imperméabilisation que nous avons fait de la terre.
Je voulais que l’on voie sur les colonnes la marque des eaux pluviales collectées dans le bassin de rétention. Toutes les colonnes devaient être dans des graminées, des herbes qui bougent avec le vent avec la même fluidité que l’eau. Il devait y avoir une autre série de colonnes, des « bougies »  avec une petite éolienne qui alimente une lumière en haut. Elles n’ont jamais été réalisées. C’est toujours le problème des budgets de projets d’infrastructure. C’est dommage que cet ouvrage soit oublié et pas entretenu car on ne sait pas où il commence et où il s’arrête.
Si vous avez un moyen de restaurer cela, ce serait bien car mon but était de faire une porte d’entrée sculpturale de grande force de Marseille. Car Marseille est une ville qui a une force de vivre. Marseille, c’est une ville superbe, extraordinaire. J’y ai encore de très bons amis. J’ai songé à y vivre mais le mistral me faisait trop peur !
Entretien réalisé par D.C.

Les sentinelles oubliées de Kathryn Gustafson

Land Art. Les secrets d’une rocade fantôme, la L2, nous conduisent en dehors de Marseille sur les traces d’un ouvrage insolite, perdu, oublié depuis vingt ans et dont on vient de percer le mystère.

Elles sont là, pareilles à des sentinelles qui tiennent l’entrée nord de Marseille, énigmatiques, sans nom, plantées dans l’herbe détrempée d’un vaste bassin de rétention creusé à la confluence des autoroutes A7 et A55 sur la commune des Pennes-Mirabeau.

    Treize colonnes de béton brut, en courbe, à la chute du tunnel des Treize-Vents qui franchit le massif de l’Estaque, alignées en plan horizontal parfait, muettes comme des statues de l’île de Pâques. Chacun d’entre nous les a un jour aperçues en allant sur Vitrolles ou en revenant de Martigues. Seuls les automobilistes peuvent voir ces géants de béton. « J’ai jamais su ce que c’était », s’étonne un riverain du quartier de la Cabassette qui les aperçoit au loin depuis des années. Un sentier à travers bois connu des taggers nous guide vers ce no-man’s land incroyablement calme et champêtre, investi par les lapins. Le spectacle de mégalithes alignés est saisissant à l’épicentre de ce vaste spaghetti autoroutier où se déversent chaque jour le flux torrentiel de 230.000 véhicules du Grand Marseille. Mais qu’est-ce donc ?
     Au départ de cette intrigue urbaine, un renseignement nous signalant ces vestiges comme l’oeuvre d’un prof d’urbanisme de Luminy, ce que démentait l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Marseille. Aucune trace à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de ce qui est très visiblement un ouvrage d’art. Rien non plus à la Direction interdépartementale des routes Méditerranée, héritière dans ses sous-sols des archives de l’ex-DDE. Force est de constater que l’ouvrage a disparu des mémoires, effacé des administrations en restructuration. « On voudrait intervenir dessus, on ne saurait même pas ce que c’est », s’étonnait-on à la DIRMED. Interrogée en mars 2012, la Direction régionale des Affaires culturelles excluait que ce fut une réalisation au titre du “1% artistique”. Elle lançait toutefois sa propre enquête pour tirer au clair cette énigme et triomphait dix mois plus tard, grâce à la ténacité de Mireille Jacques, l’assistante de la conseillère pour les arts plastiques. De nous révéler en janvier 2013, une surprise de taille : « L’ouvrage constitué de 13 piliers situé entre Marseille et Vitrolles à l’embranchement des autoroutes A55 et A7 qui n’est visible qu’en voiture, a vraisemblablement été conçu dans les années 93/94. Il est l’oeuvre de Kathryn Gustafson. »

« Une belle histoire d’une oeuvre qui n’est peut-être pas révélée »

    Les treize piliers au centre du vaste échangeur autoroutier des Pennes-Mirabeau - 12 hectares de superficie - sont bien l’oeuvre de cette architecte paysagiste américaine de renommée internationale. Au sein de deux cabinets, Gustafson Porter (Londres) et Gustafson Guthrie Nichol (Seattle), cette plasticienne de 62 ans, formée à Paris, a imprimé son identité sculpturale à de nombreux espaces publics dans le monde. Sa réalisation la plus connue se trouve à Londres : la fontaine à la mémoire de Diana, Princesse de Galles, à Hyde Park en 2004. Les réalisations de cette « sculptrice du paysage » sont une réflexion sur l’histoire d’un site,  la nature qui l’environne, la conscience physique de l’écoulement dans le temps et dans la terre d’un fluide essentiel, l’eau. Ainsi d’un ouvrage mémoriel qu’elle réalise actuellement : le Jardin du Pardon de Beyrouth.
    Cette francophile diplômée de l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles a livré à la France des oeuvres remarquables qui empruntent au mouvement Land Art. Ainsi des Jardins de l’Imaginaire (1997) à Terrasson-la-Villedieu en Dordogne. C’est encore à Kathryn Gustafson que l’on doit l’aménagement très zen du jardin intérieur (ci-contre) de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence qui fait ressurgir une noria du XIIème siècle.
 On lui doit le square des droits de l’homme a à’Evry, le Square Rachmaninov à Paris. Jusqu’au design d’une nouvelle génération de pylônes EDF, C’est donc cette plasticienne reconnue qui, voilà vingt ans, a légué à Marseille sa « porte d’entrée ». « C’est une belle histoire d’une oeuvre qui n’est peut-être pas révélée ni lisible pour les profanes mais si cet échangeur énorme a une âme, c’est bien le résultat de son travail », se souvient Régine Vinson qui collabora au projet quand dans les années 90, la Direction départementale de l’équipement, maître d’ouvrage pour toutes les constructions routières, multipliait les collaborations innovantes avec plus de 70 architectes, et paysagistes pour l’insertion urbaine et sociale d’une rocade. La L2, lancée en 1993, n’a toujours pas vu le jour et se pose déjà la pérennité d’une oeuvre oubliée réalisée à sa périphérie...
David COQUILLE